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Tamaroa — People's pets shop #4 - L'heure de la sieste
Published: 2015-06-25 13:57:00 +0000 UTC; Views: 298; Favourites: 0; Downloads: 0
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Description « Bon, j’sais pas vous mais j’suis défoncée… annonça la tortue en s’étirant. ». Tout le monde approuva qu’il était l’heure de la sieste. Le basset hound alla baisser les stores de la maison puis rejoignit sa niche. Les inséparables se blottirent dans leur cage ouverte, le chat remonta sur son arbre, et la chatte déposa la tortue dans sa boîte avant d’aller s’allonger sur son tapis préféré. Le silence réinvestit la maison comme si ses derniers occupants l’avaient quittée. Il n’était cependant que relatif. À certains endroits se manifestait le sommeil d’un animal. Ainsi, si l’on approchait de la niche, on pouvait entendre des murmures naître puis s’éteindre entre deux cycles de respiration. Parfois, les oreilles sursautaient, et le bruit se faisait plus intense, presque comme un gémissement douloureux. On aurait presque pu s’inquiéter sur la nature du rêve que faisait le chien s’il ne se trouvait pas le museau au ciel, la gueule entr’ouverte et les pattes repliées de part et d’autre de son visage.
La sieste des inséparables était plus paisible. C’était le moment où elles portaient le mieux leur nom. Leurs ailes ne formaient plus qu’une grande couverture multicolore, et leurs becs semblaient s’être confondus en un seul. Même le mouvement de leur ventre était synchronisé. Il dictait un rythme lent et langoureux, une berceuse apaisante qui était sûrement à l’origine de leur sourire, et peut-être même de leurs sifflements occasionnels. Allongé à proximité d’elles, le chat ne les entendait pas. Il ne pouvait pas. Son cerveau était concentré sur des idées vagues, incohérentes et insaisissables. Pendant son sommeil, il se torturait encore plus que lorsqu’il était éveillé. Cette suractivité était certes utile dans certaines situations, mais au quotidien, elle lui pesait, et était les trois-quarts du temps responsable d’une lourde fatigue psychique qu’il dissimulait comme il pouvait derrière son humour noir.
Les seuls à ne pas s’être couchés étaient les deux rongeurs. Ils n’avaient absolument pas sommeil, et profitaient de leur solitude si rare et précieuse pour s’adonner aux joies innocentes du couple. Le simple fait d’être blottis l’un contre l’autre, de pouvoir s’amuser nonchalamment avec la fourrure de l’autre suffisait à les reposer. Il y avait des baisers, des caresses, des paroles romantiques. On n’avait pas osé le reste, par peur d’attirer l’attention des autres. C’était le prix à payer de la vie en colocation : l’amitié en échange de l’intimité.
Ils étaient si absorbés par leur jeu amoureux qu’ils ne remarquèrent pas la chatte quitter son tapis et traverser le salon. Elle essayait d’être discrète, ce qui n’était pas si difficile pour une femelle aussi frêle qu’elle. Il s’agissait de ne pas réveiller la troupe, mais surtout de ne pas révéler l’activité qu’elle pratiquait secrètement depuis son arrivée. De toute façon, dans la rue, on n’avait jamais pratiqué la sieste de l’après-midi, et elle ne comptait pas s’y mettre. Elle se glissa dans la cuisine où elle avait traîné un stylo et quelques feuilles de papier. Dans la pénombre, elle se mit à l’aise contre le pied d’une chaise et commença à noircir les feuilles de toutes les idées qui lui passaient par la tête. Elle ne réfléchissait pas au style, ni à la cohérence comme elle avait l’habitude de le faire. En vérité, elle ne réfléchissait pas du tout. Elle se lâchait. Elle retournait à l’état sauvage dont elle était venue. C’était un processus où elle n’était plus que frénésie et que mouvement.
Cette habile mécanique fut interrompue par un jet de lumière et une voix timide : « Tout va bien ? ».
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