HOME | DD

Description
Commission for

Full picture here: fc05.deviantart.net/fs71/f/201…
___________________________________

"Maisheem respirait à peine. Au détour de ses rues obombrées, on ne trouvait rien sinon des raies lumineuses subsistant au-dessous des volets fermés des habitations, ou seulement des voix étouffées qu’une autre s’empressait de ramener au silence. Il y avait comme un climat austère dans la cité, militaire à en juger par le pas cadencé de la milice circulant dans les veines de Maisheem. C’était ainsi depuis ce qu’on avait appelé la Grande Calamité, depuis que les forces d’Elohim et d’Asaliah avaient uni leurs forces pour écraser Babylone. Ces agents de mort circulaient dans le royaume, en quête du moindre fauteur de troubles, jetant les familles hors de leur lit à la recherche de démons à liquider, traquant le suspect, l’infidèle, l’hérétique. Il devait en être ainsi pour assurer la pureté de Maisheem.

Un habitué évoluait parmi les ténèbres, à l’abri des regards alertes, prétentieusement à l’aise dans sa discrétion. Comment pouvait-il craindre quelconque courroux ? Un apatride ne s’inquiétait que de ses propres lois, celles qui dominaient en terres libres, et un prince exilé n’avait à trembler devant personne. Sa présence illégale ne présentait aucune nouveauté, il voyait la cité évoluer siècle après siècle, spectateur clandestin, comme il put contempler la plongée de Babylone dans les abysses. Jeliel progressait secrètement vers le palais du monarque, forteresse blanche immaculée défendue en son pourtour par les eaux noires du Styx et dont l’entrée était gardée par deux gigantesques statues, leur socle élevé du fleuve près des portes closes. Deux anges aux yeux bandés et ailes déployés, brandissant une balance d’une main et tenant un glaive dans l’autre. Des reliquats de ce que fut autrefois le seigneur des lieux. Jeliel trouvait étrange la manière avec laquelle la première génération honorait encore ses ancestrales fonctions, une chose qu’il ne pouvait comprendre lui qui n’avait pas vu le jour dans les racines édéniques, encore moins de la main du Créateur.

Des gardes interdisaient l’approche du lieu, Jeliel ne s’en formalisa pas et il fit un large détour. Le dôme protecteur n’avait aucun effet sur lui, il lui suffisait de le traverser puis de grimper la muraille assez rapidement pour qu’on ne le remarque pas. Il ne s’attarda pas au sommet et plongea dans les jardins offerts à lui. Le mercenaire se débarrassa de son capuchon et du reste de son manteau ; ses longs cheveux blonds constituaient une preuve à eux seuls mais ses yeux, eux, ne mentaient pas en disant que le sang de Lucifer pulsait dans sa poitrine. Cette arrogance qu’il dégageait naturellement était un héritage que se partageaient tous ses frères comme ses aïeux. Le cuir de sa tenue crissa lorsqu’il rajusta ses gants, la matière épousait la forme de son corps, un uniforme qui ne laissait pas place au doute quant à son statut de hors-la-loi. Le reste de sa meute l’attendrait au large de la Forêt Cendrée, comme toujours, ils ne bougeraient pas sans son autorisation. Jeliel émergea des grands arbrisseaux, il inspira brièvement l’air chargé par le parfum des fleurs, et emprunta une longue pergola dont l’allée principale le mènerait jusqu’au porche du palais. Les deux lunes projetaient sur le sol et les colonnes de marbre une lumière bleutée lénifiante, des serviteurs veillaient encore malgré le calme. Ils ne semblèrent pas s’offusquer en apercevant Jeliel remonter tranquillement le vestibule et baissèrent même les yeux à son passage. Si la liaison de leur monarque avec le mercenaire n’était plus un mystère en ces murs, elle n’était encore qu’une rumeur au-dehors, un murmure incrédule. Ebruiter cette affaire n’avait aucun intérêt pour eux mais les fuites semblaient inévitables. Si son amant s’en moquait, alors lui aussi.

Les portes du trône se présentaient à lui, ornementées d’or, mais surtout protégées par Hérédiel qui était aussi ravi de le voir que lui-même. Le nez du garde se retroussa d’agacement tandis que Jeliel grigna avec froideur. En s’avançant, il remarqua enfin Aguarès, le dernier fils du monarque Celui-ci eut une expression encore plus irritée que le serviteur, ne cachant pas tout le mépris qu’il vouait au prince banni. Aucun mot ne fut échangé, Aguarès tourna les talons et Hérédiel s’écarta de quelques pas à contre-cœur. Les portes s’ouvrirent, Jeliel n’attendit pas et pénétra la vaste salle. Des draperies cascadaient du plafond et des piliers, oscillant entre le violet et le rouge en passant par un bleu métallique. Cependant, le blond n’avait pas d’yeux pour toutes les richesses étourdissantes qui l’entouraient, des sculptures aux finitions d’argent, rien de tout ça ne trouvait assez d’intérêt pour surpasser la créature surplombant la pièce. Seul le bruit de ses pas trouvait un écho alors qu’il s’approchait toujours plus près de celui que l’on surnommait le Roi noir. Jeliel s’arrêta au pied de l’escalier, ses pupilles résolument levées vers lui. Des serpents d’or entrelacés définissaient son trône, deux immenses cobras royaux s’affrontaient en colosses d’albâtre derrière lui. La traîne de sa robe pourpre reposait sur une dizaine de marche, plus royale que jamais.

Le Roi portait son éternel masque blanc, qui ne laissait même pas entrapercevoir une seule parcelle de peau. Cet artefact qui le séparait du commun des mortels, interdisant à quiconque d’admirer sa beauté légendaire. La frustration le fit légèrement froncer les sourcils, alors le seigneur sortit de son immobilité et témoigna son étonnement d’un furtif mouvement de tête. « Pourquoi un tel mécontentement, Jeliel ? » lui demanda-t-il posément comme s’il n’en devinait pas la source. Jeliel lui répliqua, glacial : « Tu sais. » Il ne le voyait pas mais il savait que son interlocuteur souriait derrière son masque, peu importe puisqu’il consentit à le retirer. Le cœur de l’apatride s’emballa et il prit le temps de redécouvrir la perfection à visage découvert, pour la énième fois. Asaliah. L’Originel mineur, ancien Grand Trône. Plus belle étoile de ce monde, sa Mirabilis Stella. Il n’existait pareille magnificence, ni ici-bas, ni en Assiah, ni au Paradis, il pouvait le jurer sur le nom de Lucifer. Asaliah le jaugea de ses prunelles émeraude, pourfendeuses, et le désir lui monta à la gorge. En véritable blasphémateur, il monta les marches les séparant jusqu’à l’ange déchu et tendit une main pécheresse qu’il enfouit dans sa chevelure de jais dans un élan possessif. Asaliah sembla esquisser un sourire amusé, il referma ses doigts pourvus de griffes métalliques sur son poignet et la pointe de ses bijoux perça son épiderme. Jeliel soutint son regard, stoïque malgré les violentes pulsations qui le remuaient jusqu’à ses entrailles. Il plissa les yeux et retroussa les lèvres, carnassier. Sa dévotion ne pouvait supplanter la fierté inhérente à sa lignée. Amour viscéral, malsain et fou que ses ongles marquaient contre sa nuque. Il n’y avait définitivement rien d’autre qu’il voulait ici-bas, si ce n’était lui. Asaliah recueillit le sang de son poignet d’un froid baiser qui lui fit pourtant l’effet d’une brûlure. « Bienvenue, Prince. » susurra alors la Mirabilis Stella.

Maisheem s’éveillerait mais leur nuit, elle, n’aurait plus de fin sinon celle qui crispait les muscles et froissait les draps d’une douce petite mort."

©

Description
Commission for

Full picture here: fc05.deviantart.net/fs71/f/201…
___________________________________

"Maisheem respirait à peine. Au détour de ses rues obombrées, on ne trouvait rien sinon des raies lumineuses subsistant au-dessous des volets fermés des habitations, ou seulement des voix étouffées qu’une autre s’empressait de ramener au silence. Il y avait comme un climat austère dans la cité, militaire à en juger par le pas cadencé de la milice circulant dans les veines de Maisheem. C’était ainsi depuis ce qu’on avait appelé la Grande Calamité, depuis que les forces d’Elohim et d’Asaliah avaient uni leurs forces pour écraser Babylone. Ces agents de mort circulaient dans le royaume, en quête du moindre fauteur de troubles, jetant les familles hors de leur lit à la recherche de démons à liquider, traquant le suspect, l’infidèle, l’hérétique. Il devait en être ainsi pour assurer la pureté de Maisheem.

Un habitué évoluait parmi les ténèbres, à l’abri des regards alertes, prétentieusement à l’aise dans sa discrétion. Comment pouvait-il craindre quelconque courroux ? Un apatride ne s’inquiétait que de ses propres lois, celles qui dominaient en terres libres, et un prince exilé n’avait à trembler devant personne. Sa présence illégale ne présentait aucune nouveauté, il voyait la cité évoluer siècle après siècle, spectateur clandestin, comme il put contempler la plongée de Babylone dans les abysses. Jeliel progressait secrètement vers le palais du monarque, forteresse blanche immaculée défendue en son pourtour par les eaux noires du Styx et dont l’entrée était gardée par deux gigantesques statues, leur socle élevé du fleuve près des portes closes. Deux anges aux yeux bandés et ailes déployés, brandissant une balance d’une main et tenant un glaive dans l’autre. Des reliquats de ce que fut autrefois le seigneur des lieux. Jeliel trouvait étrange la manière avec laquelle la première génération honorait encore ses ancestrales fonctions, une chose qu’il ne pouvait comprendre lui qui n’avait pas vu le jour dans les racines édéniques, encore moins de la main du Créateur.

Des gardes interdisaient l’approche du lieu, Jeliel ne s’en formalisa pas et il fit un large détour. Le dôme protecteur n’avait aucun effet sur lui, il lui suffisait de le traverser puis de grimper la muraille assez rapidement pour qu’on ne le remarque pas. Il ne s’attarda pas au sommet et plongea dans les jardins offerts à lui. Le mercenaire se débarrassa de son capuchon et du reste de son manteau ; ses longs cheveux blonds constituaient une preuve à eux seuls mais ses yeux, eux, ne mentaient pas en disant que le sang de Lucifer pulsait dans sa poitrine. Cette arrogance qu’il dégageait naturellement était un héritage que se partageaient tous ses frères comme ses aïeux. Le cuir de sa tenue crissa lorsqu’il rajusta ses gants, la matière épousait la forme de son corps, un uniforme qui ne laissait pas place au doute quant à son statut de hors-la-loi. Le reste de sa meute l’attendrait au large de la Forêt Cendrée, comme toujours, ils ne bougeraient pas sans son autorisation. Jeliel émergea des grands arbrisseaux, il inspira brièvement l’air chargé par le parfum des fleurs, et emprunta une longue pergola dont l’allée principale le mènerait jusqu’au porche du palais. Les deux lunes projetaient sur le sol et les colonnes de marbre une lumière bleutée lénifiante, des serviteurs veillaient encore malgré le calme. Ils ne semblèrent pas s’offusquer en apercevant Jeliel remonter tranquillement le vestibule et baissèrent même les yeux à son passage. Si la liaison de leur monarque avec le mercenaire n’était plus un mystère en ces murs, elle n’était encore qu’une rumeur au-dehors, un murmure incrédule. Ebruiter cette affaire n’avait aucun intérêt pour eux mais les fuites semblaient inévitables. Si son amant s’en moquait, alors lui aussi.

Les portes du trône se présentaient à lui, ornementées d’or, mais surtout protégées par Hérédiel qui était aussi ravi de le voir que lui-même. Le nez du garde se retroussa d’agacement tandis que Jeliel grigna avec froideur. En s’avançant, il remarqua enfin Aguarès, le dernier fils du monarque Celui-ci eut une expression encore plus irritée que le serviteur, ne cachant pas tout le mépris qu’il vouait au prince banni. Aucun mot ne fut échangé, Aguarès tourna les talons et Hérédiel s’écarta de quelques pas à contre-cœur. Les portes s’ouvrirent, Jeliel n’attendit pas et pénétra la vaste salle. Des draperies cascadaient du plafond et des piliers, oscillant entre le violet et le rouge en passant par un bleu métallique. Cependant, le blond n’avait pas d’yeux pour toutes les richesses étourdissantes qui l’entouraient, des sculptures aux finitions d’argent, rien de tout ça ne trouvait assez d’intérêt pour surpasser la créature surplombant la pièce. Seul le bruit de ses pas trouvait un écho alors qu’il s’approchait toujours plus près de celui que l’on surnommait le Roi noir. Jeliel s’arrêta au pied de l’escalier, ses pupilles résolument levées vers lui. Des serpents d’or entrelacés définissaient son trône, deux immenses cobras royaux s’affrontaient en colosses d’albâtre derrière lui. La traîne de sa robe pourpre reposait sur une dizaine de marche, plus royale que jamais.

Le Roi portait son éternel masque blanc, qui ne laissait même pas entrapercevoir une seule parcelle de peau. Cet artefact qui le séparait du commun des mortels, interdisant à quiconque d’admirer sa beauté légendaire. La frustration le fit légèrement froncer les sourcils, alors le seigneur sortit de son immobilité et témoigna son étonnement d’un furtif mouvement de tête. « Pourquoi un tel mécontentement, Jeliel ? » lui demanda-t-il posément comme s’il n’en devinait pas la source. Jeliel lui répliqua, glacial : « Tu sais. » Il ne le voyait pas mais il savait que son interlocuteur souriait derrière son masque, peu importe puisqu’il consentit à le retirer. Le cœur de l’apatride s’emballa et il prit le temps de redécouvrir la perfection à visage découvert, pour la énième fois. Asaliah. L’Originel mineur, ancien Grand Trône. Plus belle étoile de ce monde, sa Mirabilis Stella. Il n’existait pareille magnificence, ni ici-bas, ni en Assiah, ni au Paradis, il pouvait le jurer sur le nom de Lucifer. Asaliah le jaugea de ses prunelles émeraude, pourfendeuses, et le désir lui monta à la gorge. En véritable blasphémateur, il monta les marches les séparant jusqu’à l’ange déchu et tendit une main pécheresse qu’il enfouit dans sa chevelure de jais dans un élan possessif. Asaliah sembla esquisser un sourire amusé, il referma ses doigts pourvus de griffes métalliques sur son poignet et la pointe de ses bijoux perça son épiderme. Jeliel soutint son regard, stoïque malgré les violentes pulsations qui le remuaient jusqu’à ses entrailles. Il plissa les yeux et retroussa les lèvres, carnassier. Sa dévotion ne pouvait supplanter la fierté inhérente à sa lignée. Amour viscéral, malsain et fou que ses ongles marquaient contre sa nuque. Il n’y avait définitivement rien d’autre qu’il voulait ici-bas, si ce n’était lui. Asaliah recueillit le sang de son poignet d’un froid baiser qui lui fit pourtant l’effet d’une brûlure. « Bienvenue, Prince. » susurra alors la Mirabilis Stella.

Maisheem s’éveillerait mais leur nuit, elle, n’aurait plus de fin sinon celle qui crispait les muscles et froissait les draps d’une douce petite mort."

©